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La Bio-Dynamie

Olivier Humbrecht MW

Une vigne, comme toute plante, est conçue pour être capable de transformer l’air (composé de différents gaz) en matière carbonée, selon un mécanisme extraordinaire de la photosynthèse. C’est indéniablement le plus grand gisement de production d’énergie sur terre. En utilisant uniquement la lumière du soleil, de l’eau et un peu de chaleur ainsi que les gaz présent dans l’atmosphère (CO2, N2…), les plantes sont capables de produire des énormes quantités de matière carbonée. Il en résulte qu’environ 98% du poids d’une vigne est issu de la photosynthèse, il en va de même pour les composés importants du raisin qui permettent la production de vin (sucres, acides, polyphénols…). Ce processus est tellement efficace, qu’il est possible de faire croître des plantes hors de leur milieu naturel et obtenir une récolte, dans la mesure où elles reçoivent lumière, chaleur, eau et quelques éléments minéraux indispensables (principalement potasse, phosphore, fer,…). Le rajout de quelques sels fertilisants (nitrates par exemple) permet même d’obtenir des récoltes plus abondantes qu’en situation naturelle.

Le sol, en tant que pourvoyeur des éléments nécessaires à la croissance des plantes, n’est plus strictement indispensable. Un simple conteneur rempli de sable et irrigué avec une eau enrichie permet de faire pousser n’importe quel végétal. Il est aussi possible de faire croître une vigne dans ces conditions ! Est-ce intéressant ou utile ? Sous un point de vue économique, oui, il est possible de réduire les coûts de production. Sous un point de vue agronomique, le fait de soustraire le végétal aux conditions naturelles qui, par définition sont incertaines et imprévisibles, est également une manière de mieux maîtriser la croissance du végétal et sa production. Cependant, j’espère bien qu’à la fin de la lecture de cet article, vous aurez la certitude que cette méthode ne permet pas la production de grands vins de qualité. Comparer la culture hydroponique (hors-sol) avec la vigne a du sens dans la mesure où aujourd’hui un grand nombre de vignes poussent sur des sols qui, sans l’aide de sels fertilisants, ne sont plus capables de nourrir les plantes qu’ils hébergent et encore moins de fournir un mélange minéral complexe et unique qui permet de caractériser un grand terroir viticole.

Une simple analyse de sol (voir les expérimentations menées par Biodyvin http://www.biodyvin.com/fr/accueil.html ) montre qu’un sol cultivé en bio-dynamie contient dix fois plus de micro-organismes qu’un sol bio, lui-même beaucoup plus fourni qu’un sol en culture raisonnée.

Olivier Humbrecht
pied de vigne Rangen de Thann

Qu’est-ce que la minéralité dans un vin ?

La minéralité, au sens chimique, n’a pas d’odeur ! J’utilise toutefois le terme minéralité pour décrire le nez d’un vin qui exprime fortement son origine. Certains descripteurs aromatiques tels que « pierre à fusil », « pétrole », « silex », « crayeux »… sont toujours associés de façon intuitive à la notion de minéralité. Malheureusement cette affirmation est erronée car les minéraux ne sont pas des molécules volatiles, et donc ne peuvent pas être chimiquement aromatiques. Par contre, certaines molécules aromatiques (volatiles) peuvent être associées à des sels minéraux. Dans ce cas ces sels peuvent exprimer des odeurs. De l’iode dans du sel rend le sel odorant, et intuitivement, en sentant l’iode, on pense au goût salé.

Certaines pratiques œnologiques vont provoquer la présence de certains composés volatiles associés à la notion de minéralité. Ainsi, par exemple, un élevage prolongé sur lie sales, une vinification trop réductrice (cuve inox, beaucoup de soufre…)… peuvent provoquer une présence plus importante de composés sulfureux, qui sont souvent, par erreur, associé à une forte minéralité dans un vin. L’absence de caractères variétaux forts peut aussi être interprétée comme une forme de minéralité. C’est pourquoi, un cépage plus discret tel que le Riesling sera toujours considéré comme plus minéral qu’un Gewurztraminer, cépage possédant de puissants arômes terpéniques. Cette confusion austérité/ouverture aromatique est très fréquente et ne devrait pas être un critère de minéralité. Il m’arrive souvent aussi d’entendre parler de minéralité pour des vins qui sont en fait simplement surdosés en sulfites ! Une sous maturité physiologique, qui exprimera des arômes végétaux et une forme d’amertume est aussi souvent source de confusion. Cependant, il est certain que lorsqu’on est en présence d’un grand vin, issu d’une belle parcelle et vinifié avec respect, on retrouve au nez des sensations complexes qui permettent de ressentir une présence minérale complexe.

En bouche, c’est chose différente. Les minéraux ont une saveur et vont sans équivoque influencer les sensations tactiles du vin sur les différentes zones du palais. Ils vont agir sur le pH du vin (force de l’acidité en bouche) et seront présent dans beaucoup de molécules qui vont agir sur le touché de bouche. La saveur la plus forte et peut être la plus facile à retrouver en bouche (lorsqu’elle est présente !) sera l’expression de la salinité. Cette minéralité en bouche agira sur la salivation et ouvrira l’appétit. En tant que producteur de vin, c’est cette forme de minéralité que nous allons rechercher et qui signera un vin issu d’une belle origine et correctement élevé. Cette signature est unique et permettra de différencier des vins d’origines éparses. La minéralité en bouche est incontestablement la garantie d’une grande qualité car seul un travail méticuleux dans le vignoble et en cave peut en assurer sa présence dans la bouteille.

Certains composés dans le vin, agissant sur la structure et l’harmonie, tels que la présence d’acide malique (acide responsable d’une sensation de verdeur en bouche, caractéristique de raisins récoltés en sous maturité physiologique), peuvent aussi être confondus, à tort, avec une forme de minéralité. Ayant organisé une dégustation où il était possible de comparer des vins ayant des acidités maliques décroissantes, je peux affirmer que beaucoup de dégustateurs (professionnels) associait la présence d’acide malique avec la minéralité du vin, alors que le vin le moins acide contenait le plus de cendres minérales !

biodynamie

D’où proviennent les minéraux dans le vin ?

Du sol ! Mais uniquement dans la mesure où un sol a la capacité de libérer les minéraux qu’il contient, puis de les stocker et, enfin, il faut aussi que les racines de la vigne soient capables de les trouver, prélever et assimiler. La quantité, composition et disponibilité des ressources minérales dépend de la génétique de la roche mère. Différentes roches mères produiront des sols dont la richesse minérale variera beaucoup. Un sol granitique contenant des micas blancs et noirs, comme le Grand Cru du Brand à Turckheim, sera capable de produire des argiles (capables de fixer les éléments minéraux) à partir de la dégradation du mica noir par les bactéries du sol. Les collines situées de l’autre côté de la vallée de Munster sur des granites ne contenant principalement que de la silice (mica blanc) seront pauvres en minéraux car ces sols ne peuvent pas produire d’argiles. La faible richesse minérale sera rapidement lessivée par les pluies. Le type de roche mère sera donc déterminant sur le potentiel d’un terroir à produire des grands vins. Nous détaillerons plus tard comment une viticulture de qualité peut influencer ce potentiel, mais il est facile de comprendre que certains sols ont une aptitude supérieure à produire des éléments intéressants pour la vigne. Ce simple critère permet déjà de réaliser un classement qualitatif. C’est probablement ce critère, analysé empiriquement sur la saveur des vins obtenus par des gourmets, qui aura permis le classement des crus de Bourgogne que l’on connait aujourd’hui.

La décomposition d’un sol ou roche mère en éléments plus fins est le résultat successif ou combiné de l’action de l’érosion, de l’eau, des alternances chaud/froid, de l’activité animale, de l’action des végétaux et surtout des micro-organismes présents dans le sol. Ces micro-organismes, principalement des bactéries, dégradent les matières organiques, mais aussi les roches fines pour libérer des matières minérales. Il est facile de comprendre qu’une roche siliceuse (gneiss par exemple) ne se dégradera que sur l’action de l’érosion pour finalement produire des sables très fins. Lorsque l’érosion est très poussée, ces sables fins produiront un sol de limons, sans vraie structure et non capable de retenir la matière organique ou les éléments minéraux. Un sol calcaire se dégradera jusqu’à l’obtention d’argile. L’argile est constituée de feuillets de silices où s’inséreront les minéraux présents dans le sol. Un échantillon de sables fins ne permettra pas de réaliser un ‘boudin’ dans la main. Des limons, plus fins, pourront donner un boudin en les roulant dans la main, mais seuls des argiles pourront permettre de donner à ce boudin une forme ronde de beignet. L’erreur commune est de confondre un sol limoneux, qui peut avoir un aspect très lourd après une pluie mais qui se craquellera lors d’une période de sécheresse, avec un sol argileux.

Tous les sols d’origines calcaires marins, les schistes, les sols de sédiments volcaniques, les granites biotites (mica noir et blanc) sont capables de produire des argiles. Sur un sol d’origine quaternaire (graves, limons, lœss…) il n’y aura pas beaucoup de potentiel de production d’argiles. En détaillant plus finement, on retrouvera des proportions plus ou moins intéressantes et surtout des argiles de qualité différentes. Le potentiel qualitatif d’une argile sera mesuré par la capacité d’une argile à pouvoir fixer une quantité plus ou moins importante d’éléments minéraux, directement reliée à la surface des feuillets de silice. En analysant les sols des grands terroirs viticoles, on y retrouve toujours des argiles à haute surface d’échange. Une argile aura toujours une capacité à fixer les éléments minéraux bien supérieure qu’un sable fin ou des limons. Le rapport peut aller de 1 à 1000. Les éléments fins présents dans le sol (sables fins, limons, argiles) sont très fragiles et sont facilement entrainés par le lessivage des pluies, phénomène amplifié par un mauvais choix cultural. Cependant, dans un sol équilibré, on retrouvera une certaine richesse en matière organique (racines, feuilles, bois, matière animale…). Cette matière organique évolue normalement en humus et pourra se fixer sur les éléments minéraux fins du sol, pour composer un complexe organo-minéral. Plus le complexe organo-minéral sera important, plus le sol, ou la terre ainsi obtenue, sera résistant aux phénomènes d’érosions et plus le sol aura un potentiel agronomique intéressant. Les argiles, ayant un pouvoir de fixation beaucoup grand que les limons ou sables fins, permettront d’obtenir des sols beaucoup plus intéressants pour la culture de la vigne.

Il faut se méfier des apparences ! Le sol du Grand Cru Rangen (sédiments volcaniques) apparait comme étant jonché de pierres. Il est facile de penser qu’il ne contient pas d’argiles et tout au plus quelques sables fins. La génétique du sol volcanique permet aux bactéries du sol de dégrader ces roches en argiles à haute surface d’échange. Ces éléments fins sont entraînés en profondeur dans les failles du sol et pour les retrouver il faut un peu creuser, mais l’analyse révèlera leur présence. On retrouvera donc le préfixe ‘argilo’ dans la description de la texture du terroir Rangen ! Sur les sols de lœss (dépôts éoliens décalcifiés du Quaternaire) en plaine d’Alsace, après une bonne pluie, la terre collera aux chaussures ! Par contre en analysant la composition du lœss, on y retrouvera pas de vraies argiles (en structure de feuillets) mais uniquement des sables très fins.

L’humus dans un sol est le résultat de la transformation de la matière organique fraiche instable (résidus végétaux et animaux), en matière organique structurée et stable. Le sol devient une vraie usine où vont se succéder l’intervention d’animaux, champignons et micro-organismes. Un sol issu d’une roche mère intéressante, contenant un potentiel minéral important, et, où les conditions climatiques et de lieu permettent un développement important des végétaux et organismes vivants, aura le potentiel de produire, conserver et pourvoir beaucoup de minéraux essentiels à la vigne.

Comment les plantes trouvent elles les minéraux dans un sol ?

Les éléments minéraux sont essentiels au bon fonctionnement de tous les organismes vivants. Que les quantités nécessaires soient importantes ou non, leur absence (carence) et quelque fois excès peut avoir des conséquences graves sur le développement des plantes. L’exemple le plus souvent visible est la chlorose (jaunissement des feuilles au printemps suite à une mauvaise activité de la photosynthèse). La chlorose est provoquée par un manque de fer, surtout dans les sols calcaires où le calcium, par exemple, prend la place de l’élément fer et affecte la photosynthèse. Un temps froid et pluvieux est souvent incriminé comme étant la source de ce problème. Pourtant, les sols calcaires, surtout les sols calcaires rouges, sont riches en fer ! La réponse de l’agronomie moderne à ce problème est de pulvériser sur le végétal, ou d’incorporer dans le sol, des formes d’éléments ferreux facilement assimilables par la plante pour l’aider en période de forte croissance et de météo capricieuse. Une observation simple permet de constater que les sols compactés et tassés sont encore plus sensibles à la chlorose. Dans tous les cas rencontrés sur le domaine, une simple remise en culture des sols afin d’éviter le tassement du sol associée à un joli tapis végétal bien actif aura permis de complètement supprimer tout symptôme de chlorose. Dans ce cas précis, les éléments nécessaires à la vigne sont bien présents dans le sol, mais inaccessibles, soit parce qu’ils sont sous une forme non assimilable, soit parce que les racines ne sont pas capables de les prélever.

Un sol en bon fonctionnement va permettre aux racines d’absorber correctement les éléments minéraux nécessaires au développement de la plante. Le potentiel qualitatif d’un vin est souvent jugé à partir du critère rendement/surface ha. Ce critère est affiné par la connaissance de la densité de plantation qui permet de connaître aussi le poids de raisins par cep. Plus le nombre de ceps augmente à l’hectare et le nombre de raisin/cep diminue, plus le raisin disposera d’une surface foliaire importante (photosynthèse) et le ratio poids de racines/kg de raisin augmentera. L’augmentation de la densité des ceps crée une concurrence en surface qui provoque une descente plus profonde des racines. L’assimilation des minéraux se faisant par les racines, il est donc aisé d’en déduire que plus la densité racinaire est importante, plus l’absorption minérale sera importante. Le rapport poids de racine/kg de raisin prend toute son importance dans la compréhension de la minéralité des vins.

Les racines de la vigne sont entourées par des champignons microscopiques appelés mycorhizes, qui vivent en symbiose avec leur plante hôte. Les mycéliums mycorhiziens ont une capacité extraordinaire à extraire du sol les éléments minéraux en modifiant les caractéristiques chimiques du sol en contact direct des racines. Dans un sol calcaire, le pH du sol sera plus proche de la neutralité au contact des mycorhizes, ce qui explique en partie l’absence de chlorose dans les sols fortement pourvus en mycorhizes. Le développement des mycorhizes est lié aux conditions climatiques et agronomiques, mais les paramètres culturaux vont aussi avoir une importance déterminante. Le compactage des sols induisant une asphyxie, l’utilisation de produits tels que les herbicides et de nombreux produits de traitements, des faibles densités de plantations et bien sur un niveau de rendement élevé vont agir négativement sur l’absorption de minéraux par la vigne.

Pas de vie, pas de minéraux…

Un sol est un organisme fragile, qui peut se dérégler facilement. La plupart des interventions humaines, le simple fait de marcher sur un sol, mais encore plus la mise en culture d’un sol, aura pour résultat de déstabiliser un processus complexe. La mise en culture, le fait d’empêcher la pousse d’adventices et d’exporter de la matière organique aura à terme pour conséquence une baisse de la matière organique et de l’humus dans les sols. Cela fragilisera le complexe organo-minéral. La matière organique (MO) peut être apportée au sol en compensation sous diverses formes (matière fraiche, fumiers, composts…), mais si la présence microbienne n’est pas suffisante, la transformation de la MO ainsi que des débris de végétaux ou animaux morts sera différente. Comme pour les mycorhizes, des facteurs aggravants tels que la présence de produits chimiques ou un fort compactage du sol auront pour effet une diminution importante de la vie microbienne des sols et augmenteront les phénomènes de fermentation anaérobiques. Il se dégagera alors du CO2, gaz acide, qui provoquera des phénomènes d’inversion dans les sols. La MO et les roches ne se transformeront plus en terre fertile, et le complexe organo-minéral se transformera à nouveau en roche par des mécanismes de cristallisation des minéraux. On appelle aussi cela le phénomène de désertification ! Un problème gigantesque à l’échelle de la planète, accentué dans les climats arides et très chauds. Car l’eau et des températures modérées permettent de mieux préserver la vie.

Sans vie dans les sols, il y aura moins d’éléments minéraux disponibles à la plante car on les retrouvera sous une forme cristallisée qui est plus difficilement accessible pour les mycorhizes et donc la vigne.

Il est aisé de comprendre quels facteurs participent à la diminution de la vie dans les sols : herbicides, quasiment tous les produits de traitement (y compris cuivre)… Un tassement exagéré (provenant des machines mais aussi du climat – des fortes pluies peuvent aussi créer des problèmes) contribuera à la baisse du taux d’oxygène dans les sols, élément capital pour la vie dans le sol. L’absence de travail du sol qui permet d’insuffler de l’air mais aussi peut aider au décompactage sera un facteur aggravant. Des labours trop répétitifs par contre (ou un désherbage chimique) ne permettra ^pas le développement de plantes adventices, qui grâce à la croissance de leurs racines, ont un effet décompactant et augmentent la biodiversité des sols. Le manque d’oxygène est un élément majeur. Il est possible de détruire un sol tout aussi efficacement en le compactant qu’en utilisant des herbicides. Il suffit de voir l’effet du pas de l’homme passant répétitivement au même endroit sur la croissance de l’herbe.

Il est aisé de comprendre à contrario les facteurs qui amènent la vie dans les sols : utilisation de compost de qualité et plutôt jeune, absence de produits chimiques, tout travail qui aide à l’aération et décompactage des sols, présence de plantes diverses à différents moment de l’année. Il est aussi important d’aider le sol à digérer tout apport de matière organique fraiche, qui risquerait de monopoliser de trop l’activité microbienne. C’est pourquoi un compost est préférable à un fumier frais n’ayant pas encore subit une transformation. Il est aussi possible d’utiliser certaines préparations qui permettent une meilleure transformation de la MO. En bio-dynamie, nous utilisons la fameuse préparation MT (Maria Thun) qui agit comme un levain pour aider le sol dans sa digestion.

Est-ce que la viticulture peut influencer la minéralité d’un vin ?

L’enseignement agronomique actuel consiste à penser que tout ce dont un sol manque peut lui être apporté ou corrigé. L’analyse de sol permet de révéler la présence des oligo-éléments et composés majeurs d’un sol, et permet de déterminer s’il y a carence, normalité ou excès. La quantification est faite selon des méthodologies qui peuvent varier, mais très souvent, l’image obtenue par une analyse de sol, va énormément varier en fonction de la technique d’analyse ou du solvant utilisé. En fait, un élément peut être carencé sur l’analyse mais la vigne n’exprimera pas cette carence : peut-être tout simplement que l’élément est très accessible et que la vigne compense ce manque par un système racinaire plus important et une récolte plus faible. Un élément est abondant selon l’analyse, mais la vigne exprimera des symptômes de carence : car peut-être cet élément est bloqué dans le sol et la vigne ne dispose pas d’assez de pouvoir d’extraction (absence de mycorhizes, faible système racinaire…).

L’attitude ‘corrective’ (on complémente le manque par la fertilisation ou traitements spécifiques) est perverse car on ne se pose jamais la question du pourquoi la vigne exprime une carence, alors qu’il y a probablement tout ce qu’il faut dans le sol pour la plante. Beaucoup de terroirs viticoles sont aujourd’hui traités de la sorte. Il en résulte une parodie du potentiel initial, souvent métamorphosé en sol ‘idéal’ correspondant à l’analyse ‘idéale’, sans vraiment observer les conséquences sur la vigne et le type de vin obtenu. Beaucoup de sols n’auraient plus aucune fertilité s’ils ne bénéficieraient pas de l’aide d’apports d’engrais, souvent sous la forme de sels, car possédant une action plus rapide. Pourquoi se soucier de tout cela si le résultat est le même et si en plus la technique corrective est moins coûteuse ! Peut-être parce que le résultat n’est pas le même sur le vin. Chaque terroir possède une signature minérale qui lui est bien propre. Il ne s’agit pas seulement d’un aspect quantitatif mais plus encore d’effets de synergie ou complémentarités entre les éléments qui caractérisent la richesse minérale d’un sol particulier. En modifiant la composition minérale d’un sol selon des critères standard, on risque de faire perdre au vin ce qui justement permet à un terroir de se distinguer. Est-ce vraiment moins cher ? L’avenir montrera que beaucoup de ces techniques correctives, dont l’utilisation est une résultante de l’application de produits chimiques et techniques culturales désastreuses, ont un impact important sur l’environnement et la santé. Lorsque les vrais coûts induits seront répercutés au vin ou autres produits agricoles, ils ne seront plus économiquement intéressants.

Un sol ayant perdu sa fertilité naturelle pour toutes les raisons évoquées plus haut, subira aussi d’autres problèmes qui affecteront la culture de la vigne et le vin qui en découlera. Le manque de vie dans un sol accentuera les phénomènes de compactage qui provoquera une remontée des racines et donc une baisse de la minéralité dans les vins. Les phénomènes de désertification entraineront une baisse de la diversité biologique dans un vignoble (animale et végétale) qui entraînera automatiquement une augmentation des problèmes parasitaires. Il suffit de constater qu’une parcelle ayant une biodiversité importante a un parasitisme naturel qui permet d’éviter des traitements contre les acariens. Les apports fertilisants organiques, comme le compost, se dégradent lentement dans les sols et il est donc aisé de prévoir leur action sur la vigne dans le futur. Les apports minéraux (azote, phosphates…) sont le plus souvent introduits dans les sols sous forme de sels (sulfates) et se dissolvent dans l’eau du sol. Il est très difficile en viticulture de gérer leur évolution car on ne maîtrise pas correctement la climatologie. En cas de manque de pluie, leur libération est retardée et peu intervenir au mauvais moment (à la veille des vendanges provoquant de la pourriture) ou au contraire, en cas d’excès d’eau après leur application, leur libération est trop rapide et une grande partie se retrouvera dans la nappe phréatique ou rivières (pollution) et ne sera pas utilisée par la vigne. En cas de sécheresse, la vigne transpire plus et absorbe plus d’eau du sol, contenant des sels en excès. Tout le monde devine l’effet de l’assimilation d’une eau salée lorsqu’on a soif !

Toutes les actions entreprises par le vigneron pour augmenter la profondeur et la quantité de racines dans un sol et pour décompacter et favoriser la vie dans le sol aura pour conséquence une augmentation de l’absorption des minéraux par la vigne. En conclusion, rien de nouveau : il suffit de planter la vigne sur un terroir capable de produire une minéralité intéressante et le cultiver naturellement en favorisant la colonisation racinaire et en protégeant la vie dans le sol.

Est-ce que les pratiques œnologiques peuvent influencer la minéralité des vins ?

Bien sûr! Toutes les opérations œnologiques, de la récolte jusqu’à la mise en bouteille, auront une influence sur la présence minérale dans les vins. Analytiquement, la minéralité d’un vin peut se mesurer par l’analyse des cendres. Une quantité de vin est brûlée jusqu’à ce qu’il ne reste que les cendres. Les produits carbonés et l’eau disparaissent, et il est surprenant de constater que ce ne sont pas toujours les vins les plus puissants en alcools, sucres ou tanins qui possèdent nécessairement les extraits de cendre les plus élevés. Ce résultat exprimera la capacité d’un terroir à produire et conserver des minéraux, mais aussi renseignera sur la qualité de la viticulture et choix techniques du vigneron. Le résultat sera aussi proportionnel au volume de raisins produit par pieds et au fameux ratio poids de racine/kg raisin. Des ajouts de fertilisants sur le sol n’augmenteront pas la minéralité d’un vin, car il s’agit principalement d’éléments tels qu’azote/phosphates/potasse et les oligo-éléments sont rarement utilisés à des doses telles qu’elles peuvent modifier les cendres d’un vin. Un vigneron peut agir sur la vigueur d’un plant de vigne, mais très difficilement sur la richesse et le potentiel minéral intrinsèque de son terroir.

En cave, il est aussi très difficile d’augmenter la composition en minéraux d’un vin sans utiliser des techniques très critiquées pour leur influence négative sur la qualité, comme par exemple les techniques d’enrichissement soustractive (évaporation sous vide, osmose inverse…). L’ajout de sels dans un vin n’est pas encore correctement maîtrisé (heureusement !) et les conséquences sont souvent néfastes sur le goût et l’aspect du vin. Par contre, beaucoup d’opérations en cave peuvent être responsables d’une diminution de la concentration en cendres d’un vin. Toute opération de collage, filtration précoce, mise précoce… aura une influence sur les composés colloïdaux du vin et de leur teneur en cendres. Selon David Lefebvre (journaliste), la minéralisation d’un vin est la résultante d’un procédé de dégradation naturel. Toute opération de vinification qui tend à stopper l’évolution naturelle d’un vin va à l’encontre de l’expression de sa minéralité. On comprend donc qu’un élevage prolongé sur lies totales (lies de fermentation), un sulfitage moindre et une mise en bouteille tardive permettra au vin à la fois de préserver et d’acquérir une plus grande minéralité. Nous sommes en ce moment en train de suivre des vins de terroirs variés, à différents moments de leur évolution avant mise, pour voir quelle est justement l’évolution de leur teneur en cendres. Les résultats seront certainement intéressants. Bien sûr, on ne peut envisager de mettre en bouteille un vin complètement dégradé. Il s’agira de trouver le juste milieu entre fraicheur carbonée et évolution complexe de la minéralisation avant que le vin n’atteigne un stade de décomposition trop poussé.

Et la bio-dynamie?

Si la vie dans le sol permet d’en préserver sa fertilité et aide la vigne à y trouver tous les éléments minéraux nécessaires à son développement, et si la bio-dynamie renforce les mécanismes du vivant dans le sol, son application ne peut qu’être bénéfique. La vigne est une plante complexe dont la culture est difficile. La nature même de la vigne n’est pas de produire des fruits, aussi la mise à fleur doit être provoquée par une taille hivernale stressante en conjonction avec une fertilisation destinée à augmenter la vigueur de la plante. Ce principe conduit à beaucoup de problèmes liés à la sur-vigueur (maladies) et à l’obtention de raisins mûrs. La bio-dynamie permet d’augmenter la fertilité d’un sol sans obtenir une plante qui ne s’arrête pas de pousser. Il est très intéressant d’observer le vignoble durant les vendanges. Les parcelles ayant amené les raisins à une parfaite maturité physiologique, donc lorsque le meilleur potentiel qualitatif est atteint, expriment une couleur de feuillage vert/jaune et il est facile de constater que la plante est déjà depuis longtemps en arrêt de croissance. Une vigne encore en croissance au moment de la période de maturation des raisins continuera à produire des matières carbonées en excédent (feuilles, bois,…) au détriment de la concentration de sa sève en minéraux.

Il est donc aussi logique de penser que la culture bio-dynamique facilite la concentration minérale dans la vigne. Le but n’est pas ici d’expliquer comment fonctionne la bio-dynamie, si cela est possible, mais juste de donner des constatations dérivant soit d’analyses ou d’observations in situ. Plutôt que d’essayer de comprendre une analyse de sol, il paraît plus judicieux d’observer la vigne et de noter son comportement et les symptômes d’éventuelles carences. Durant les périodes de l’année où les sols ne sont pas travaillés, il est aussi important d’y observer la végétation naturelle spontanée car beaucoup de plantes seront bio-indicatrices. La diversité et le type dominant des populations présentes peuvent renseigner sur l’état du sol. Certaines familles de plantes seront caractéristiques de sols compactés (pissenlit, plantain…), de sols en excès de potasse (amarantes…), de manque de calcium (camomille, pâquerette…), d’excès de matière organique fraiche (mouron…), sols pauvres de roches riches en bases (origan, dans le Clos Windsbuhl) ; les exemples sont nombreux.

Avec la bio-dynamie, il est intéressant d’explorer une philosophie de travail qui amène à observer la vigne sous une approche très différente et qui permet au sol, analyses à l’appui, de faire évoluer la roche-mère et de produire une panoplie minérale qui signera les vins de manière unique. Les préparats bio-dynamiques sont utilisés comme vecteurs d’énergies capables d’orienter la vigne dans la bonne direction. Sans vouloir détailler les principes profonds, il est possible de parler d’éducation de la plante au sens noble, comme par exemple aider la vigne à développer un système racinaire puissant et interconnecter la vigne avec son milieu. Lorsque l’on comprend l’importance du système racinaire et du développement des mycorhizes sur l’absorption minérale par la vigne, on ne peut qu’apprécier l’impact de la bio-dynamie sur l’expression du terroir dans les vins. Le domaine fut converti à la culture bio-dynamique entre 1997 et 1998, suite à des expérimentations réalisées sur notre compost. En cherchant des fumiers bios, nous avons acheté en 1996 un fumier issu d’une ferme en bio-dynamie. La qualité du compost obtenu à partir de ce fumier nous a convaincu à poursuivre en dynamisant nos composts, puis à appliquer les préparats sur certaines parcelles. Le résultat était extraordinaire et nous a motivé à convertir tout le domaine le plus vite possible.

Très vite, nous avons pu constater la disparition de nombreux problèmes de carence. Chlorose ferrique, manque de calcium sur sols acides, problèmes magnésiens sur gewurztraminer (entrainant le dessèchement de la rafle), tous ces problèmes souvent compliqués et couteux à résoudre en culture conventionnelle avaient disparu dès la première année de conversion. Il est donc facile d’extrapoler et de conclure que l’ensemble de l’absorption minérale est optimisée et que donc il ne peut y avoir qu’un effet positif sur le raisin et le vin. Quatre ans après le début de la conversion en bio-dynamie, nous avons réalisé des profils culturaux dans le Clos Windsbuhl, et grâce à l’expertise de Claude Bourguignon (microbiologiste des sols), nous avons pu constater l’évolution de la transformation de la matière organique dans les sols. Dans les couches de sols où la bio-dynamie avait commencé à faire de l’effet, on retrouvait une transformation normale de la MO en humus, alors que dans les couches encore en conversion, on retrouvait des cristallisations minérales autour des racines mortes de plantes. A nouveau, il était possible de constater le bien-fondé de la bio-dynamie sur le potentiel de minéralisation des sols.

Le compost dynamisé est un élément essentiel en bio-dynamie car il permet de transférer au sol toutes les influences astrales nécessaires au sol et à la vigne, présentes dans les préparats incorporés dans le compost. Son action dans le sol est très forte et ce compost va visiblement améliorer la structure des sols, surtout en profondeur, et aider à développer le vivant dans le sol qui à son tour augmentera la libération et la disponibilité des éléments minéraux pour la vigne. Les préparats p500 (bouse de corne) et p501 (silice de corne) vont agir respectivement sur le développement racinaire profond et sur le métabolisme d’assimilation de la lumière. Ces seuls points expliquent l’importance de ces deux préparats sur l’assimilation du potentiel minéral d’un beau terroir. Je ne détaille pas ici les autres effets et principes de ces deux préparats, qui bien sûr ne se limitent pas à ces actions.

En conclusion…

La perception de la minéralité d’un vin est peut-être la manifestation intime de la profondeur d’un terroir et sa capacité à signer un vin de manière unique. Contrairement à la richesse carbonée, il n’est pas possible de la fausser ou modifier de façon artificielle. Seul un grand respect du sol et de la vigne et une vinification non interventionniste garantira une présence de sels et de cendre importantes dans le vin. La minéralité distinguera un produit technologique d’un vin de terroir. Reconnaître une vraie minéralité peut être un exercice difficile car il ne faut pas prendre des arômes de réduction, un excès de soufre, une acidité végétale ou tout simplement une puissance aromatique variétale pour de la minéralité. La minéralité se goûtera en bouche, en reconnaissant l’expression de la salinité et le pouvoir de salivation.

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